Sur 9 000 m², une équipe d’archéologues de l’Inrap fouille, sur prescription de l’État (Drac Pays-de-la-Loire), le site de l’ancienne clinique Saint-Louis à Angers. Elle met actuellement au jour les vestiges d’un sanctuaire voué au culte de Mithra, dieu d’origine indo-iranienne. Le mithraïsme est probablement introduit dans l’Empire par les militaires romains et les marchands orientaux et se répand à la fin du Ier siècle. Ce culte était particulièrement populaire dans les armées, essentiellement chez les soldats et les centurions bien que quelques légats soient attestés. Beaucoup d'esclaves et d'affranchis comptaient également parmi ses fidèles. Les sénateurs et chevaliers semblent par contre avoir été assez réticents à adhérer au mithraïsme. Les femmes en étaient probablement exclues bien que cela ne soit pas absolument sûr.
Ce culte à mystères séduit d’abord les élites, puis se diffuse dans toutes les couches de la société. Concurrent du christianisme, il est fortement combattu et finalement interdit par l’empereur Théodose en 392.
Peu d'éléments sont connus sur le contenu du mithraïsme et les valeurs qu'il véhiculait. On suppose, à l'heure actuelle, que les valeurs d'amitié et de loyauté étaient primordiales. Seules deux scènes de la geste de Mithra sont actuellement bien connues et identifiées: sa naissance et la tauroctonie.
Mithra, qui s'est créé lui-même à partir de la roche (on dit pétrogène), est à la fois primogenitus et autogenitus. Cette scène est représentée sur de nombreuses statues.
La tauroctonie est sans conteste la scène la plus représentée dans les sanctuaires du dieu, qu'il s'agisse de sculptures, de bas-reliefs ou de fresques. Il semble qu'après avoir chassé le taureau, Mithra l'ait rattrapé et tué. Le sacrifice du taureau serait à l'origine de la vie, le sang de l'animal fertilisant la terre.
Les fidèles devaient subir une initiation pour être pleinement accepté parmi les plus fervents fidèles. Les initiés portaient chacun un grade bien précis: corbeau (corax), fiancé ou jeune marié (nymphus), le soldat (miles), le lion (leo), le Perse (Perses), l'Heliodrome (Heliodromus) et le Père (Pater). Ces grades sont principalement attestés en Italie, notamment par de nombreuses inscriptions et la mosaïque du sanctuaire de "Sette Sfere" à Ostie..
Contrairement à d'autres divinités sémitique ou égyptienne, Mithra était un dieu aryen. Son culte s'exerçait initialement dans des grottes naturelles (pour rappeler celle où Mithra tua le taureau, symbole du mal d'où jaillit cependant la vie, force vitale destructrice et créatrice), ce qui explique que l'on construisait des temples exigus et sans fenêtres, à l'image d'une caverne.
Le succès de ce dieu oriental dans l'Empire romain ne remonterait selon Plutarque qu'au premier siècle avant Jésus-Christ : après la campagne menée par Pompée Contre les pirates de Cicilie (sud-est de l'Asie mineure), son culte fut importé à Rome par des légionnaires.
Les vestiges des temples dédiés à Mithra sont souvent découverts non loin des casernes - dans les vallées du Rhin et du Danube notamment.
Le mithraïsme connaît son apogée dans l'Empire romain au IIè et IIIè siècles, sous une forme romanisée, sans doute éloignée de sa version iranienne.
Né d'une source et d'une pierre sacrée, déjà coiffée du bonnet phrygien, Mithra aurait donc rencontré et tué le taureau primordial, acte fondateur de la vitalité-virilité du monde, mais il était aussi le dieu de l'accord-cosmique. Étant lumière, il devient par syncrétisme avec d'autres cultes solaires le "soleil invaincu" (sol invictus).
Son culte faillit sous Aurélien, devenir le culte officiel de l'Empire mais il sera fort heureusement supplanté par le christianisme sous Théodose, même si Julien l'apostat ou "l'usurpateur Eugène" tentèrent de le restaurer.
Ce qui explique son échec, c'est son élitisme, son "machisme" dirait-on aujourd'hui, et son culte du secret. Religion réservée à une élite masculine, il ne pouvait prétendre atteindre l'universalité chrétienne.

Les chercheurs supposaient que cette partie d’Angers était occupée dès le début de notre ère, sous le règne d’Auguste. Les axes urbains, le cardo (nord-sud) et le decumanus (est-ouest) d’un îlot d’habitats, sont visibles sur le chantier, notamment le decumanus avec fossés et trottoirs. Celui-ci vient d’être daté d’une époque très précoce pour Angers : les années 10 avant notre ère. À la fin du Ier siècle, une ou deux demeures (domus) sont édifiées dans l’îlot. Ces riches maisons décorées possèdent colonnades et système de chauffage par le sol (hypocauste). Un incendie ravagea une grande partie des bâtiments du quartier.
Au moins dès le IIIe siècle, un bâtiment rectangulaire excavé est installé au nord-ouest du site. Son architecture est celle d’un mithræum, édifice voué au culte de Mithra. Ces temples apparaissent comme de petites chapelles voûtées où se déroulent les banquets et sacrifices dédiés à Mithra. Leur voûte peinte est généralement décorée d’un ciel étoilé. À Angers, des tambours de colonnes, peut-être bases d’autel ou socles de statue, émergent. Les sanctuaires dédiés au dieu comportent toujours un bas-relief représentant la divinité coiffée de son bonnet phrygien. Envoyé par le dieu suprême, il égorge un taureau, symbole du mal, qui par son sang donne naissance à la vie. La fouille des décombres antiques de la rue René Brémond révèle aujourd’hui des éléments de ces statues peintes : fragments d’un bas-relief du dieu Mithra avec notamment des éléments des dadophores (porteurs de torches) et du miles (porteur de lance), associés à un riche mobilier du IVe siècle.
Sur un gobelet en céramique sigillée fabriqué dans les ateliers de Lezoux (Puy-de-Dôme), figure une dédicace gravée avant cuisson offerte par un certain Genialis dans la première moitié du IIIe siècle : « DEO [INVIC]TO MYTRH[AE]…/…]VS GENIALIS CIVES MA […]VS EXVOTO D[ …/…]RIBVS OMNIS LOCO OMNIS (…) » : « Au dieu invaincu Mithra,]us Genialis, citoyen de…, a offert en ex voto (ce vase) ».
Un fragment de tuffeau ouvragé, décoré de palmettes, porte dans un cartouche une inscription en grec sur quatre lignes qui a été en partie déchiffrée. Elle indique une dédicace effectuée par un dénommé Theophilos d’origine orientale au profit de Retituitos, nom à consonance gauloise.