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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 08:41

Un beau relief de marbre, dit « de la tombe des Haterii », découvert le long de la via Labicana à quatre milles au sud de Rome, fournit une excellente représentation de veillée funèbre. Le centre du relief est occupé par le lectus funebris, dressé devant les colonnes de l’atrium. Au chevet de la femme qui repose se tiennent deux pleureuses (praeficae), tandis qu’un homme s’apprête à ceindre son front d’une couronne ou d’une guirlande. À gauche du lit, une musicienne joue de la flûte, aux côtés d’une pleureuse qui, les mains jointes, implore la défunte. À droite figure trois autres femmes coiffées de pileus, signe distinctif des esclaves affranchis par leurs maîtres. En guise de décoration, des étoffes sont tendues d’un pied à l’autre du lit, des guirlandes de fleurs et de fruits surmontés d’éventails sont suspendues au compluvium. De grandes torches, fichées sur des supports emboîtés, brûlent aux quatre coins du lit, à la manière des chandelles qui encadrent le cercueil dans la liturgie chrétienne. De part et d’autre, sans disposer des candélabres en bronze, sur lesquels reposent de lourdes lampes à huile allumée. Au premier plan, figure de récipient à piédestal, identifiables comme brûlent-parfums. Un homme s’en approche pour alimenter la flamme.

Selon Pline (Hist. Nat. X, 43), les décorations végétales sont apportées par les proches et amis du défunt. Symbole de fragilité et de renouveau, fruits et fleurs sont choisies pour leurs propriétés particulières - principalement des roses, mais aussi des violettes, des immortels, de la myrte et des branches de pain. Ces éléments, comme la pomme de pin, ont valeur d’emblèmes funéraires. D’innombrables ornements en pierre, sculptés en forme de pomme de pin, d’œuf ou de flamme incandescente, qui couronnaient à l’origine la cime des mausolées ou le couvercle des urnes cinéraires, évoquent aussi bien la vie éternellement renouvelée que les décorations exposées lors de la veillée mortuaire.

La dernière étape franchie par le corps avant inhumation est le cortège, ou funus translaticium. Les textes et les représentations figurées permettent de s’en faire une idée relativement précise. De son atrium familial, le défunt est extrait pied devant sur0171.jpg son lit, porté par un lourd brancard (feretrum). Le cortège se compose d’une foule bruyante de pleureuses aux cheveux défaits couverts de cendres, souvent précédées de musiciens réunis en fanfare d’instruments à vent, parfois de danseurs, de mines et de jongleurs. Les hommes sont vêtus de lainages de couleur, non lavée, les femmes de vêtements noirs, exempt de parures, les cheveux décoiffés et les ongles non coupés. Les images des ancêtres (imagines maiorum) sont portées devant le cercueil. Ces portraits funéraires sont des empreintes en cire du visage des défunts de la famille prise peu après la mort, peintes et conservées dans des petites armoires en bois placés dans l’atrium. En 392, un édit de Théodose interdisant le culte des ancêtres fera peu à peu disparaître cette coutume.

  À l’origine, le convoi s’effectue préférentiellement de nuit, éclairé par des torches et des lampes à huile, pour éviter aux prêtres et aux magistrats de croiser un cadavre impur. Ces cortèges nocturnes n’ont plus lieu à l’époque impériale, remplacés par des cérémonies diurnes plus propices à l’exhibition du défunt et de sa maisonnée. Mais elles demeurent éclairées à l’aide de torches et de lampes, dont la lueur artificielle enrobe le convoi d’une sorte de « nuit » symbolique. Le brancard est fréquemment porté par des affranchis, esclaves libérés par testament suite à la mort de leurs maîtres, caractérisés comme sur le relief des Haterii par le port du pileus. Au cortège officiel des proches, des clients et des affranchis se mêle une foule hétéroclite, plus ou moins nombreuse selon la renommée du défunt. La désaffection croissante des convois, qui attente à la dignité des familles, donne lieu à différents stratagèmes destinés à attirer les proches et le chaland. Des récompenses sont distribuées à l’assistance, qui peuvent équivaloir à la totalité des biens légués par le défunt. Offerte par voie testamentaire à celui qui arrivera le premier, elle donne lieu à une véritable « course à l’héritage », au sens propre ! Les plus pauvres sont réduits à effectuer leurs trajets en solitaire jusqu’à la fosse commune, préférentiellement de nuit.0172.jpg

Du centre-ville, les cortèges funéraires sont conduits hors de la cité, à un emplacement défini à l’avance où les attend le bûcher. La conduite des défunts au-delà de cette limite procède bien d’un rite d’exclusion, pour ne pas dire d’expulsion du cadavre hors de l’enceinte urbaine, même si elle est accomplie dans des formes qui ménagent sa dignité.

 

Source : L'Archéologue N°105, d'après Matthieu Poux.

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3 décembre 2013 2 03 /12 /décembre /2013 07:06

Dans l’empire romain, les religions n’imposent pas de dogme concernant l’au-delà, mais le « dernier voyage » fait l’objet d’un ensemble de rites à observer, depuis le décès jusqu’au tombeau, désigné par le mot funus « funérailles ». Il existe toute une hiérarchie de rituelles en fonction des moyens dont disposent les familles. Certains cotisent de leur0169.jpg vivant à une confrérie funéraire, regroupant des gens de même métier ou de même fortune, qui prend en charge l’organisation des funérailles et s’occupe de trouver une place pour ses membres dans une tombe commune. Seule une infime minorité de riches bénéficie d’obsèques célébrées en grande pompe.

Le décès d’un être proche est vécu avant toute chose comme une souillure temporaire qui, par contagion, affecte toute sa maisonnée. La famille et la demeure du défunt en l’honneur duquel s’accomplit le funus sont qualifiés de « funeste », au sens étymologique du terme. La veillée funéraire, qui se déroule dans l’atrium de la maison, correspond à une situation de crise qui ne prend fin qu’avec l’expulsion du cadavre et son inhumation. De cette souillure, il convient de se purifier par des rites adéquats. Dissimulé sous des épaisseurs d’étoffe, le défunt est conduit hors de sa demeure, dont le sol est balayé après le départ du cortège. L’anéantissement définitif de sa dépouille est assuré par le feu purificateur, et tous ceux qui l’ont approché de trop près subissent également l’épreuve de l’eau et du feu. La cérémonie est rythmée par des gestes et formule incantatoire visant à conjurer le mauvais sort.

De toutes les étapes du rituel funéraire, la préparation et le transfert du corps qui précède sa mise en terre sont les plus difficiles à appréhender sur le plan archéologique. La veillée et le cortège mortuaire met en œuvre un ensemble de rites bien établis par les textes, qui laisse quelques traces susceptibles d’être identifié lors de la fouille des sépultures : lits, chars et masques funéraires, ustensiles de toilette, flacon à onguents, offrande de lampes ou de monnaies qui se rattachent à cette étape, même s’il n’est pas possible d’établir avec certitude à quel moment précis des funérailles ils sont intervenus. Le recours aux sources littéraires et iconographiques permet cependant de replacer leur usage dans un ordre logique.

Les textes décrivent dans le détail les gestes qu’il convient d’accomplir après l’expiration du défunt. Son corps est exposé sur un lit mortuaire (lectus funebris), disposées dans la pièce principale de la maison, les pieds face à la porte, en position de recevoir ses hôtes comme il le faisait de son vivant. La dépouille commodément installée, on procède aux derniers adieux, pour une durée qui varie en fonction du statut social : de trois à sept jours pour les plus riches à quelques heures pour les moins fortunés. Devant la porte de la maison, devenue « funeste », sont placés des branches de pain ou de cyprès, en guise d’avertissement pour les passants qui seraient tentés d’y pénétrer et de s’exposer à la souillure. Des lampes à huile allumée sont posées sur le seuil ou sur le rebord de la fenêtre, le temps que dure le travail de deuil. Fermer les yeux du mort (oculos condere)0170 en constitue, comme de nos jours, la première étape (Lucain, Pharsale, II, 740). De ce geste rarement attesté témoigne, indirectement, le masque funéraire moulé « d’après nature » sur le visage de la jeune Claudia Victoria, inhumé dans la nécropole de Trion à Lyon. Ensuite, le fils du défunt ou le membre de sa famille le plus proche l’embrasse sur la bouche pour recueillir son dernier soupir. Puis on l’appelle à trois reprises et à voix haute (conclamatio), à l’aide de formules standardisées qui se retrouveront, un peu plus tard, gravés sur les épitaphes. Ces premiers gestes visent davantage à s’assurer de la mort du défunt qu’à accompagner, retenir ou déplorer son départ. Déposé à terre, le corps est lavé à l’eau chaude et oint d'huiles parfumées, puis on habile le défunt d’une toge blanche, de ses habits de fonction ou, à défaut, d’un linceul de couleur blanche ou noire. On le pare des bijoux et insignes de son rang, comme les anneaux d’or des chevaliers, qui sont généralement incinérés avec le corps (Properce, IV, 7,9). Dans le même temps, on place dans sa bouche ou sur ses paupières une monnaie (le « denier de Charon ») destiné à régler le passage de l’âme sur le fleuve des Enfers. Ces différents gestes sont représentés, isolément ou simultanément, sur de nombreux sarcophages et reliefs funéraires trouvés en Italie, en Gaule et en Germanie.

 

Images : 1/ Stèle de Primilla _ 2/ Masque de Claudia Victoria. Découvert à Lyon

 

Source : L'archéologue N° 105 d'après Matthieu Poux

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5 novembre 2013 2 05 /11 /novembre /2013 19:03

ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES ÉTABLIS DANS L'EMPIRE ROMAIN AU IVè SIÈCLE

 

CHAPITRE VII - LES BARBARES DIGNITAIRES DE L'EMPIRE

 

Politique de Constantin.

 

La révolution administrative de la fin du IIIe et du commencement du IVe siècle renversa les dernières barrières qui pouvaient s’opposer à la pénétration de l’Empire par les Barbares. Toutes les dignités conférées par l’empereur formèrent une hiérarchie savante dont les différents degrés se reliaient l’un à l’autre : il suffisait de franchir les premiers pour parvenir aux derniers. La question d’origine n’était plus qu’une question secondaire : chaque fonction avait son titre qui devenait personnel et constituait pour celui qui en était revêtu de vrais quartiers de noblesse ; la milice palatine, militia palatina, qui comprenait les offices militaires et civils du palais, ce que nous appellerions aujourd’hui la cour, formait une aristocratie, non de naissance, mais de position. Cette aristocratie, dès lors, se recrutait dans les rangs de tous les fonctionnaires et en particulier de l’armée, car la cour était surtout une cour militaire. L’expression même par laquelle on la désignait réveille l’idée d’un camp (comitatus), et les dignitaires de l’Empire portaient le titre de comites, d’où est venu notre mot comte.

Un des premiers actes de Constantin, après sa victoire sur Maxence et son entrée triomphale à Rome, fut d’admettre au sénat de cette ville des hommes, non seulement de toutes les provinces, mais de toutes les nations, afin que cette auguste assemblée, la plus illustre du monde, ne fût privée d’aucun genre de mérite et réunît dans son sein les sommités de l’univers entier[15]. L’exercice de certaines fonctions conférait de droit le rang et la dignité de sénateur. C’était alors un des modes de recrutement du sénat romain.

Constantin alla plus loin ; s’il faut en croire le témoignage d’Eusèbe[16] ; pour attirer les Barbares dans l’Empire et leur faire oublier leur patrie, il prodigua aux principaux d’entre eux les honneurs et les dignités sans toujours considérer assez le mérite[17]. Il fut le premier qui éleva un Barbare au consulat (ύπατεία), cette magistrature souveraine de la République, maintenue sous les empereurs et que ces derniers se faisaient gloire de partager même avec leurs sujets. C’étaient les consuls qui donnaient leur nom à l’année : aucun acte public, aucune loi n’était valable sans que leur nom y fût apposé ; les faisceaux et la trabée consulaire demeuraient, sinon le signe du pouvoir, du moins l’emblème de la majesté souveraine ; les Césars, sur tous les monuments, dans toutes les inscriptions, constantincomptaient les années de leur consulat à côté de celle de leur règne.

Les détracteurs de Constantin, tels que Zosime et l’empereur Julien, n’ont pas manqué de lui reprocher, dans les termes les plus sévères, cette partialité en faveur des étrangers ; ils nous l’ont présenté comme un novateur dangereux, comme un perturbateur des anciennes lois et des traditions séculaires de l’Empire[18]. En somme, le prince n’était pas seul responsable de pareilles innovations ; elles résultaient du changement des mœurs publiques, de la nouvelle constitution de Rome et d’une nécessité qui s’imposait plus qu’on ne l’avait cherchée. Constantin suivait l’exemple de ses prédécesseurs et, s’il entra plus résolument dans cette nouvelle voie, ses héritiers devaient tous y marcher après lui, même Julien qui, selon la remarque judicieuse d’Ammien[19], ne sut pas éviter la prétendue faute qu’il reprochait à Constantin ; car, l’année même où il élevait au consulat Mamertin, son rhéteur favori, il lui donnait pour collègue un Barbare, le Goth Nevitta[20]. Dès lors les fastes consulaires se remplissent de noms étrangers qu’on peut facilement reconnaître malgré leurs terminaisons latines et le nom d’adoption que prenaient les Barbares en passant au service de Rome[21].

 

 

[15] Nazarius, Panegyr. Constantine Augusto, c. XXXV.

[16] Eusèbe, Vit. Constant., lib. IV, c. VII. 

[17] Aurelius Victor, De Cæsaribus, c. XLI (20).

[18] Ammien, lib. XXI, c. X. — Cf. Zosime, lib. II.

[19] Ammien, lib. XXI, c. X.

[20] Ammien, lib. XXI, c. VIII.

[21] Les Barbares dignitaires de l’Empire avaient un nom national (cognomen) et un prénom romain (prœnomen) qui indiquait leur droit de cité, de noblesse romaine. On y joignait, quand ils étaient convertis au christianisme, un nom de baptême (agnomen). Nous en voyons un curieux exemple dans l’un des derniers numéros du Bulletin d’archéologie chrétienne de M. de Rossi (1871, n° 1, p. 25.) Il s’agit d’un Goth, maître de la milice (magister utriusque militiæ) au Ve siècle, donateur d’un fonds, dans le vicus patricius, fonds sur lequel fut dédiée l’église de Saint-André de l’Esquilin, appelée pour cela Catabarbara patricia et désignée auparavant sous le nom de basilique de Junius Bassus. Ce Goth s’appelait Valila il portait trois noms : le cognomen, nom national, Valila : le prœnomen, nom romain, Flavius : l’agnomen, nom de baptême, Theodorius.

LISTE DES BARBARES CONSULS AU IVe SIÈCLE :

351. Magnentius (Lætus). Fl. Gaiso.

362. Nevitta (Gothus).

366. Dagalaiphus (Francus).

377. Flavius Merobaudes (Francus).

383. Fl. Merobaudes (Francus).

384. Fl. Richomeres (Francus)...

385. Bauto (Francus)...

400. Fl. Stilicho (Vandalus).

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23 octobre 2013 3 23 /10 /octobre /2013 15:11

 

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19 octobre 2013 6 19 /10 /octobre /2013 10:12

ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES ÉTABLIS DANS L'EMPIRE BARBARE AU IVè SIÈCLE

 

CHAPITRE VII. — LES BARBARES DIGNITAIRES DE L’EMPIRE.

 


Droit de cité accordé aux étrangers : 1° à de simples particuliers, 2° à des nations entières. — Entrée des étrangers dans le sénat. — Population mixte des bords du Rhin. — Le Goth Maximin empereur.

 

 

Les Barbares établis dans l’Empire à titre de Dedititii, de Fœderati, de Læti, ou de Gentiles, ne remplissaient pas seulement les cadres des armées ; ils occupaient les positions civiles et militaires les plus élevées. Exclus d’abord comme étrangers (peregrini) du droit de cité, ils ne pouvaient exercer aucune magistrature et demeuraient complètement en dehors du gouvernement. Toutefois, par une de ces faveurs que Rome aimait à accorder à ceux dont elle voulait récompenser les services ou le mérite personnel, quelques-uns des princes, des chefs barbares, obtinrent ce droit de cité envié de tout l’univers à cause du prestige qui y était attaché et des avantages qu’il conférait. Cicéron fait remonter à Romulus le principe d’extension du droit de cité romaine ; il y voit la raison souveraine de l’immense accroissement du nom romain. Il n’y avait dans le monde entier, nous dit-il, aucune nation, amie ou ennemie, qui ne pût fournir des citoyens à la République[1].

Le héros de la Germanie, le fameux Arminius (Heermann), dont le nom si populaire en Allemagne est devenu le symbole de la défense nationale, était citoyen romain ; avant d’être l’ennemi acharné et irréconciliable de Rome, il en fut l’élève et le soldat ; il avait reçu une éducation toute romaine, parlait le latin comme sa langue maternelle, commandait un corps auxiliaire de Chérusques et portait l’anneau de chevalier[2]. La plupart des princes de sa famille étaient les amis et les alliés de Rome : son beau-père Ségeste avait été gratifié par l’empereur Auguste du droit de cité[3] ; son beau-frère Ségimond avait ceint les bandelettes sacrées et exercé un sacerdoce public dans la colonie romaine des Ubiens (apud aram Ubiorum)[4].

Ces exceptions honorifiques se multiplièrent et tendirent à se généraliser. Après les guerres civiles et les proscriptions, le décroissement de la population obligea à étendre de plus en plus le droit de cité. L’empereur Claude fut amené à ouvrir aux notables des Gaules les portes du sénat ; le discours qu’il prononça à cette occasion nous a été conservé par Tacite[5] ; nous pouvons le comparer avec l’original retrouvé à Lyon. Claude vainquit les résistances du vieux parti romain qui se souciait peu d’introduire dans son sein un élément étranger ; les Éduens, décorés du titre de frères du peuple-roi à cause de leur fidélité à l’alliance romaine qu’ils avaient embrassée les premiers, furent appelés à prendre rang parmi les nouveaux sénateurs comme l’avaient déjà été successivement les Latins, les Italiens, comme les Barbares devaient l’être plus tard après les habitants des provinces[6].0165.jpeg

Dès le IIe siècle de l’Empire, Marc-Aurèle accordait à certains peuples barbares, qui avaient sollicité l’alliance romaine ou prêté leur concours dans la lutte terrible et sanglante contre les Marcomans, des droits civils très étendus. Dion Cassius se sert à ce sujet d’une expression remarquable et qui ne peut nous laisser aucun doute (πολιτείαν) : c’est bien la traduction du civitas des Latins [7]. Il ne s’agit plus seulement d’un droit conféré individuellement et par exception ; c’est une nation, une tribu entière appelée à bénéficier du même privilège.

Au IIIe siècle, le droit de cité romaine est étendu à tous les sujets de l’Empire sans distinction ; il n’y a plus de privilège, mais une loi commune applicable à tous. Les Barbares, toujours considérés comme peregrini, demeurèrent-ils en dehors de la loi ? Leur position fut-elle changée ? Sans être placés sur la même ligne que les provinciales, ils durent ressentir les effets d’une mesure aussi générale. Il se forma, surtout dans les provinces voisines de la Germanie, une sorte de population mixte, à demi romaine, à demi barbare : des relations commerciales régulières s’établirent entre les deux pays ; les enfants nés de ces étrangers, implantés sur le sol de l’Empire, qui en adoptaient les mœurs, les lois et la langue, et dont les intérêts se confondaient avec ceux des Romains, ne se distinguaient plus des autres ; au bout d’une ou deux générations, l’assimilation devenait complète. L’armée leur était ouverte comme aux Romains de naissance ; ils pouvaient servir soit dans les corps auxiliaires, soit même dans les légions, depuis qu’on se montrait moins sévère et moins exclusif pour la composition de ces troupes d’élite ; enfin, ils avaient accès jusque dans la garde du prince recrutée indistinctement parmi les meilleurs soldats et où les Germains, doués d’une haute stature, d’une force herculéenne, figuraient avec avantage[8]. Ils passaient successivement par tous les degrés de la milice, et arrivaient aux plus hautes fonctions militaires qui n’étaient point alors séparées des fonctions civiles.

C’est de cette population mixte que sortit Maximin, le premier Barbare élevé à la dignité impériale[9]. Originaire d’un petit bourg de la Thrace, il était né, d’un père et d’une mère barbares, appartenant l’un à la nation des Goths, l’autre à celle des Alains[10] ; enrôlé sous les drapeaux de Rome, il se fit remarquer par sa force prodigieuse et son habileté dans tous les exercices du corps[11]. Il quitta le service sous le règne de Macrin, acquit d’importants domaines dans son pays natal, échangeant avec les Goths et les Alains, ses compatriotes, des présents et de continuels rapports[12]. Il rentra dans l’armée sous Héliogabale, avec le titre et le rang de tribun, combattit les Parthes à la tête d’un escadron de cavalerie pannonienne[13], et fut appelé par ses soldats, après le meurtre d’Alexandre Sévère, à recueillir la succession de ce prince. Il poursuivit, à la tête des légions, la marche de ses prédécesseurs, pénétra dans la Germanie, la dévasta, lui imposa la paix et revint triompher à Sirmium, méditant de nouvelles guerres contre les Sarmates, rêvant de porter jusqu’à l’Océan la limite septentrionale de l’Empire[14]. Les empereurs barbares, on le voit, n’étaient pas les moins ambitieux : mais il eut le sort réservé alors à presque tous les Césars et fut renversé avant d’avoir eu le temps d’accomplir ses vastes desseins.

 

 

[1] Cicéron, Pro Balbo, c. XIV.

[2] Tacite, Ann., II, c. LXXXVIII. — Ibid., c. X. — Velleius Paterculus, lib. II, c. CXVIII.

[3] Tacite, Ann., lib. I, c. LVII.

[4] Tacite, Ann., lib. I, c. LVIII.

[5] Tacite, Ann., lib. XI, c. XXIII-XXV.

M. de la Saussaye, dans un récent travail intitulé : Études sur les Tables Claudiennes, et lu à la réunion des sociétés savantes à la Sorbonne, dans la séance du 20 avril 1870, résume les dernières découvertes de M. Martin Daussigny, conservateur des musées de Lyon. M. Martin Daussigny est parvenu à compléter l’inscription en déchiffrant sous une couche de plâtre et de terre mêlée à de l’oxyde de cuivre, les lettres terminales d’un certain nombre de lignes, lettres qui avaient échappé jusqu’ici à la vue de tous les interprètes. — La notice est accompagnée d’une planche représentant le fac-simile des deux colonnes de la première table, telle que nous la possédons.

[6] Tacite, Ann., lib. XI, c. XXIII-XXV.

[7] Dion Cassius, lib. LXXI, c. XIX.

[8] Hérodien, VI.

[9] Hérodien, VI.

[10] Capitolin, Vita Maximini, c. I.

[11] Jornandès, De reb. Get., c. V.

[12] Capitolin, Vit. Maxim., c. XV.

[13] Jornandès, De reb. Get., c. V. — Zosime, lib. I, c. XIII.

[14] Capitolin, Vit. Maxim., c. XI.

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17 octobre 2013 4 17 /10 /octobre /2013 15:12

Mosaïque, reflet d’une civilisation, signe de puissance de son commanditaire


La Gaule tombe sous la domination romaine après la défaite d’Alésia en 52 av. J.-C. Elle est unifiée et organisée en quatre provinces administrées par Rome (Belgique, Lyonnaise, Aquitaine, Narbonnaise).

L’habileté des Romains réside dans le fait de ne pas avoir détruit l’aristocratie gauloise, mais plutôt de l’avoir incité à adhérer au système romain par l’intérêt et par fascination vis-à-vis de la grandeur de Rome. Les gaulois vont ainsi devenir des gallo-romains, et non un peuple soumis, bénéficiant de près de trois siècles de paix, Pax Romana, qui va permettre à un véritable développement économique avant les invasions barbares vers 260. Le peuple gaulois peut bénéficier pleinement des apports de la civilisation romaine et profite ainsi d’un mode de vie agréable : développement de la circulation grâce aux voix romaines ; aménagements de l’eau par des thermes et les aqueducs ; installation de grands domaines agricoles avec les grandes villae.

Le Rhône revêt un caractère capital pour le développement du commerce antique. C’est en effet le seul axe nord/sud qui, sur plus de 800 km, descend des chaînes alpines à la Méditerranée. Le Couloir rhodanien s’impose comme une véritable artère de civilisation européenne où circulent les denrées, les cultures et les savoirs. Cette disposition sur le Rhône permet à Saint-Romain-en Gal de profiter d’un commerce florissant et du développement d’un marché régional (culture de la vigne, du blé...).

La mosaïque du calendrier a donc été réalisée à une époque où l’économie est florissante. Cette mosaïque provient vraisemblablement d’un grand domaine où villa agricole.

La villa est un élément fondamental des campagnes. C’est une grande exploitation rurale constituée de bâtiments résidentiels et agricoles au cœur d’un domaine cultivé, qui appartient en général à de riches propriétaires fonciers. La villa réunit donc que des fonctions résidentielles et économiques. Ces deux aspects sont nettement différenciés dans son architecture, par deux ensembles séparés : la partie résidentielle appelée pars urbana et la partie agricole ou pars rustica.0160.gif

La mosaïque symbolise la prospérité de la Gaule, la vigne y est introduite avec la conquête romaine. Dès le premier siècle après J.-C., le vin gaulois concurrence le vin romain. Sur le panneau du foulage du raisin, trois personnages pressent les grappes au pied dans une cuve ; la cuve rectangulaire occupe presque toute la largeur du tableau, elle est vue en perspective et le raisin apparaît en surface. Sur le sol, des baquets recueillent le jus qui s’échappe des trois orifices percés dans la cure . Les deux personnages situés à gauche se tiennent par la main pour ne pas glisser, les traits du visage sont presque inexistants. À droite, le flûtiste rythme au son de son instrument les mouvements de ses deux camarades.

Une mosaïque romaine d’Afrique du Nord, découverte à Cherchell et datant de la seconde moitié du IIIe siècle après J.-C. reprend la même iconographie. La composition est classique mais le style est différent, il n’y a aucune maladresse dans la réalisation, contrairement à la mosaïque du calendrier. Les ouvriers, ceints d’étoffe qui rappellent la peau de panthère, animal dionysiaque, ont l’aspect de satyres. Il semble que cette mosaïque soit le reflet d’une grande œuvre picturale de la partie orientale de l’Empire.

L’iconographie du foulage du raisin et traditionnel elle se perpétue à l’époque paléochrétienne, comme sur la mosaïque de Qabr-Hiram au Liban. Le médaillon central représente, sans trop d’exactitude, un pressoir Avice actionné par deux personnages. Ce système, plus perfectionné, était utilisé en second lieu, après le foulage du raisin aux pieds.0162.jpg

La mosaïque est propice à l’illustration des machines agricoles comme le pressoir à levier, qui reprend une iconographie impériale - plus ancienne - car le pressoir à vis existait en Gaule.

Un autre panneau représente une meule qui est actionnée par un âne, dont seule la vente train est visible, la représentation et maladroite.

Les riches propriétaires des villae accorde un grand soin à l’aménagement et à la décoration des bâtiments résidentiels. Le caractère exceptionnel de certaine mosaïque, au-delà de l’aspect utilitaire et décoratif, délivre un message.

 

Une mosaïque naïve, qui rompt avec les canons de la tradition, mais qui exprime la nostalgie de l’époque augustéeenne


L’analyse de l’iconographie permet d’appréhender la société gallo-romaine, par la précision des métiers et des actes de la vie religieuse. Mais au-delà de ces observations, quelle est la motivation du propriétaire pour faire réaliser une mosaïque d’une telle ampleur dans sa villa, quel en est le sens ?

Pour élucider l’énigme, il faut se tourner vers les auteurs grecs et latins. Dans Les Travaux et les jours, Hésiode, poète grec du VIIIème siècle av. J.-C., prodigue aux agriculteurs des conseilles fondés sur l’observation du ciel et des saisons. Ses idées et ses conseils seront repris tout au long de l’Antiquité, notamment par Virgile, poète latin dans Les Géorgiques. Ce traité rédigé au premier siècle av. J.-C. célèbre la gloire et la politique de nouveaux maîtres de Rome, Octave. En effet, l’empereur souhaite redonner vie à l’agriculture. Au-delà d’une œuvre philosophique ou d’un traité technique, Les Géorgiques ont une portée symbolique. Octave, futur Auguste, proclamera la paix, changera la nature du citoyen romain. C’est à cette époque que Rome devient le centre de la civilisation. C’est donc par cette idée de prospérité de l’Italie que l’on peut comprendre le choix du calendrier agricole, dans une pièce de réception en Gaule. Il s’agit pour le commanditaire de se rattacher à la cité de Rome, à l’Empire, à une même culture identitaire de grands propriétaires et au patrimoine fondateur, la culture grecque.

La mosaïque du calendrier symbolise l’importance de son commanditaire, qui s’attribue le bon ordonnancement de la terre, la prospérité de la Gaule et la puissance de Rome. Les références à l’empire d’Auguste évoquent peut-être le désir de maintenir un statut acquis, malgré des temps troublés. En effet, le IIIème siècle doit faire face à des crises institutionnelles : c’est la fin de la conception de l’État romain, continuateur de l’empire d’Alexandre et de l’hellénisme, ainsi que le début d’une organisation autoritaire de l’État. C’est l’époque des premières incursions des peuples germaniques, qui cherchent à s’établir dans l’Empire, sans se romaniser. Jusqu’à la fin du IVème siècle, les Goths, les Quades, sont tenus en respect au-delà du Danube, fixée en Dacie (Roumanie actuelle) et dans la région de l’Ukraine moderne.

 

L’influence des différents courants esthétiques, de la sculpture et de l’architecture


Au IIIème siècle apparaissent de nouveaux courants esthétiques : l’art provincial de Gaule reçoit les influences d’un art romain, d’origine hellénistique « cultivée », et surtout d’un art romain plébéien (selon R. Bianchi Bandinelli, l’art plébéien doit être pris sérieusement dans le sens d’une classification et non dans le sens d’une opposition sociale entre un art populaire est un art officiel). Les particularités de l’art plébéien sont les suivantes : une étroite union avec les scènes de la vie quotidienne, la représentation de caractères individuels expressifs qui rompent avec l’idéalisation des statues, portraits de l’époque impériale, d’inspiration hellénistique ; comme le portrait d’Auguste en pontife ou0163.jpg l’empereur montre un visage à la fois doux et paisible mais empreint de gravité.

Sur la mosaïque, la posture des athlètes lançant le javelot rappelle la sculpture grecque. Le personnage de droite peut-être comparé à l’Apoxyomène de Lysippe, tandis que le personnage de gauche, évoque le Poséidon. Le mosaïste n’a pas su transporter les parfaites proportion de ses chefs-d’œuvre. On note sur la mosaïque une certaine maladresse : jambes trop longues, bustes disproportionnés, bras épais...

L’influence de l’architecture antique est également présente. La mosaïque reproduit par sa composition les plafonds à caissons qui ornaient les bâtiments de Grèce et de Rome.

Il en est de même pour la bordure de la mosaïque qui reprend des éléments d’architecture : perles et pirouettes, qui existe sur un chapiteau du temple d’Apollon à Didymes.

Les ruptures politiques entraînent des ruptures artistiques. À l’époque Sévérienne les empereurs sont romains, mais originaires des provinces et non de Rome. Ce changement est certainement dû à la prospérité croissante de l’Empire, ainsi qu’à l’abandon du principe de l’adoption au profit de la succession directe. Au premier quart du IIIème siècle après Jésus Christ nous sommes probablement sous le règne de l’empereur Septime sévère, originaire de Tripolitaine, ou de son fils à Caracalla, né à Lyon.

L’expression politique de cet état de fait se traduit par la constitution Antoniniana, en 212 après J.-C., accordant le droit de cité à tous les citoyens libres de l’Empire. Du point de vue artistique, les ateliers s’exportent, les mosaïstes fournissent des œuvres dans tout l’Empire, Rome n’est plus prédominante.

La mosaïque du calendrier est imprégnée d’un art provincial qui s’éloigne de la tradition naturaliste, héritée de Grèce.

À une époque où les menaces commencent à poindre, aucune trace de douleur physique ou morale ne transparaît. Courant qui existait à l’époque hellénistique, comme en témoigne la statue du gaulois mourant : les traits du visage sont rudes, les cheveux hirsutes, le désespoir s’extériorise.

Ce courant « plébéien » figuré sur la mosaïque, s’exprime dans les représentations schématisées d’édifice à fronton triangulaire, par l’utilisation conventionnelle de la couleur noire qui suggère la profondeur. Le sens de la perspective s’est perdu, il ne fait plus parti de la culture figurative du mosaïste viennois, comme le montre les différentes dispositions des colonnes, sur le panneau du foulage de raisin. Les personnages sont situés sur le même plan, le rendu est plat, les ombres sont symbolisées par un trait. Certains détails sont disproportionnés, entraînant une perte de réalisme, comme la taille des raisins sur le panneau des vendanges.

En revanche, la richesse de la palette chromatique et le nombre exceptionnellement élevé des pâtes de verre sur les quatre panneaux centraux manifeste le soin apporté par le mosaïste. La mosaïque de Saint-Romain-en-Gale est une œuvre exceptionnelle, sans parallèle dans la production viennoise ; elle est la plus importante de ces ateliers par ses dimensions et la qualité de sa réalisation, toutefois elle est empreinte d’un indéniable provincialisme.

La présence sur une mosaïque des saisons, de scènes religieuses et de scènes agricoles, concourent à signifier que l’ordre engendre la richesse. Les saisons sont nourricières, les scènes agricoles illustrent cette fertilité.

Les Romains associés le temps à leur vie quotidienne et à la succession des saisons. Le temps avait une importance décisive dans l’agriculture, où l’utiliser raisonnablement signifiait effectuer les travaux à temps, et obtenir une bonne récolte.0164.jpg

Cette mosaïque permet d’aborder différents aspects de la vie quotidienne à l’époque gallo-romaine, vie religieuse, activité agricole. Elle est représentative d’une esthétique nouvelle, certainement réalisé par des ateliers régionaux, ayant un style propre et utilisant des emprunts grecs et romains.

Elle démontre la volonté de la part de son commanditaire d’affirmer son statut social et son attachement à l’Empire romain.

Cette mosaïque se situe à un moment charnière de l’histoire de la Gaule, elle symbolise la stabilité et la prospérité, héritée de la Pax Augusta, juste avant les invasions barbares. La Gaule est touchée en 253, avant l’invasion dévastatrice de 275 – 276, qui bouleversera toute la vie urbaine.

 

Source : article de Véronique Vassal, Histoire Antique N° 39

 

À voir :  La Mosaïque du calendrier agricole : Le destin tragique de Vienne (15 min)

 

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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 07:39

La mosaïque de Saint Romain en gal visible principalement au musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye est un calendrier, illustrant la puissance et le pouvoir de Rome.

L’évocation des activités agricoles liées aux saisons et aux cultes religieux symbolise une image d’ordre, de stabilité, de prospérité, héritée d’Auguste, alors que de graves crises institutionnelles affaiblissent le pouvoir de Rome, laissant présager les futures invasions barbares.

Cependant, l’assimilation à l’empire romain n’est pas générale, car certaines spécificités décorant la mosaïque sont propres à la Gaule, nous replaçant dans un contexte régional.0159.jpg

 

Description


La mosaïque polychrome du calendrier a été découverte dans une domus, sur le site antique de Saint Romain en gal, dans le département du Rhône, en octobre 1891. Elle mesurait à l’origine de 8,86 × 4,48 m. Déposé en 1892, elle a été exposée au musée du Louvre jusqu’en 1935, puis au musée de Saint-Germain-en-Laye.

La mosaïque est constituée de quarante tableaux de 59 cm chacun, dont seuls vingt-sept0159b.jpg panneaux sont parvenus jusqu’à nous. Les parties endommagées ont été restaurées, mais les tableaux manquants ont été simplement comblés par du ciment gris. Un motif de tresses sépare chaque panneau, tandis que des motifs décoratifs de perles, de pirouettes et de rinceaux, forment les bordures.

À part quatre panneaux décorés de motifs végétaux et de petits visages, les autres contiennent tous une scène figurés, il s’organise autour de quatre panneaux centraux représentant les allégories des Saisons.

Le mosaïste viennois a choisi les représentations d’animaux les plus traditionnellement attachés à chaque saison, le lion et le taureau symbolise les signes du zodiaque correspondant à l’été et au printemps, le tigre monture traditionnel de Dionysos -Dieu de la vigne et du vin -symbolise l’automne, enfin le sanglier est attaché à l’hiver, puisque c’est la saison où l’on le chasse.

On remarque très rapidement des scènes agricoles familières comme les labours, les semailles ou la cuisson du pain...

Trois scènes sont plus difficiles à identifier, mais plusieurs éléments nous permettent de reconnaître des scènes religieuses : la présence d’une divinité sur une colonne, un autel sacrificiel, un homme vêtu d’une longue toge - dont un pan lui dévoile la tête signifiant qu’il est en prière - et une tour tombale.


Une idée d’ordre évoqué par la composition de la mosaïque


Les saisons, puissance bienfaisante, gage de félicité, sont la trame à l’intérieur de laquelle se déroulent les activités humaines, elles en sont l’arrière-plan constant est nécessaire.

La disposition de cette activité agricole pour chaque saison évoque une vision du monde harmonieuse. Les panneaux autour des saisons sont disposés selon différents axes, permettant aux convives de regarder les scènes depuis tous les côtés de la pièce. L’harmonie naît de la grande régularité de la composition et de la parfaite symétrie des scènes à deux personnages.

Les visages, dans les motifs végétaux, caractérise une nouvelle fois les saisons, accentuant l’ordonnance de la composition qui devait être symétrique ; malheureusement, la mosaïque0137 est incomplète.

L’ordre est précisé par l’évocation du temps, rythmé par le déroulement régulier des saisons. La scène du poissage des jarres à huile nous met en présence d’un gnomon, ou cadran solaire, qui évoque le solstice d’hiver, le 21 décembre. Le temps est exprimé précisément, et les textes antiques confirment la confection de huile en décembre.

 

Représentations gauloises et romaines symbolisant l’assimilation dans les scènes religieuses


les scènes religieuses montrent une cohabitation d’éléments Romain et gaulois. Ainsi, pour la représentation du sacrifice à une divinité, la scène semble romaine par les vêtements et les objets du rituel, mais la divinité qui brandit une torche et tient une roue est gauloise. Il s’agit de Taranis, dieu du ciel, de la foudre et du tonnerre, qui sera assimilé par les Romains à Jupiter.

Les Romains furent tolérants, pour les cultes des peuples conquis. Ils laissèrent les vaincus adorés leur Dieu, auquel, par une diplomatie religieuse, ils assimilèrent les leurs, de manière à permettre un culte commun aux divinités indigènes et aux divinités impériales. De cette tolérance naquit la paix religieuse.

Sur une scène endommagée, on aperçoit un édifice surmonté d’un toit pointu qui semble être une tour tombale d’un type très répandu en Gaule, comme le mausolée des Julii à Saint-Rémy-de-Provence.

Au premier plan, deux femmes, l’une assise, l’autre debout - très fragmentaires -, semble préparer soit le repas funèbre, soit des libations en l’honneur du défunt. C’est, selon Henri Stern, « la seule représentation d’une cérémonie des Parentalia ou fête des Morts, qui nous soient conservée ».

Cette iconographie paraît avoir pénétré l’art chrétien, comme on peut le remarquer sur un ivoire du Ve siècle, conservé au British Museum représentant les saintes Femmes au tombeau du Christ.0138.jpg

L’influence romaine et caractéristique dans la représentation des vêtements. Le costume de tous les personnages figurés sur la mosaïque et Romain : tunique, pagne, toge, sandales, à l’exception du cucullus gaulois (vêtements à capuche), porté, dans les panneaux, par les paysans chargés du transport du fumier et du tressage des paniers.

Dans le paysage rural Romains, les dieux habitaient partout, forêts, étangs… Tout travail de la terre requérait un appel aux dieux, si bien que l’exécution des grands travaux était toujours subordonnée à un acquiescement divin. La religion privée des Gallo-Romains manifestait un souci constant de respect envers les dieux, développant un sens du devoir envers la famille et l’empire.

La notion d’ordre qui apparaît au travers de la mosaïque - ordre sur le domaine, avec les scènes agricoles ; ordre cosmique, avec les saisons ; ordre spirituel, avec les scènes religieuses - est traduite par une composition harmonieuse, par une recherche de l’équilibre et de la symétrie. Ces panneaux relèvent une structure d’esprit particulier et illustre l’ordre et l’unification. Pourquoi insister tellement sur cette notion d’ordre, de stabilité ? Peut-être est-ce pour « conjurer le sort » face au danger les menaces d’invasions barbares. Cette mosaïque semble être plus qu’un calendrier agricole, elle est le reflet d’une civilisation complexe rassemblant un héritage ancien (gréco-romain) et indigènes (gaulois).

 

Source : article de Véronique Vassal Histoire Antique N° 39

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 09:55

ESSAI SUR LA CONDITION DES BARABRES ÉTABLIS DANS L'EMPIRE ROMAIN AU IVè SIÈCLE

 

CHAPITRE VI. — LES GENTILES.

 

Des différentes espèces de Gentiles.

 

Il y avait du reste plusieurs sortes de Gentiles et il est difficile de reconnaître si la loi sur les mariages s’appliquait à tous ou bien seulement à une partie d’entre eux et dans ce cas à quelle catégorie de Gentiles. Le rescrit est adressé à Théodose, maître de la cavalerie : or, les Gentiles de la Notitia servaient sous le maître de la milice de l’infanterie, ce qui ferait supposer que ce n’est point d’eux qu’il est question ici, mais d’autres Gentiles établis dans les provinces illyriennes et qui fournissaient des corps de cavalerie. Il est probable que les Gentiles non plus que les Læti ne pouvaient se marier sans l’approbation et le consentement de leurs préfets[38]. Leur condition inférieure devait naturellement éloigner les Romains de contracter avec eux des unions qu’ils auraient regardées comme de véritables mésalliances, tandis que d’autres Sarmates, admis dans les provinces romaines, non plus à titre de Dedititii ou de soldats des frontières (milites limitanei), mais à titre de Fœderati, pouvaient plus facilement prétendre à l’honneur de mêler leur sang avec celui des matrones. Cassiodore, dans la correspondance politique du grand roi Théodoric, nous parle de Gentiles propriétaires dans la Savie ou Pannonie riveraine qui avaient épousé des femmes romaines et dont les terres étaient soumises à l’impôt foncier ainsi qu’aux taxes extraordinaires[39]. Il ne faudrait pas croire que ces mariages des Romains avec des Barbares, non reconnus par la loi, fussent toujours interdits ou regardés en eux-mêmes comme un délit punissable. On ne sévissait que dans certains cas particuliers, prévus par le législateur, où la sécurité de l’Empire semblait compromise par de telles unions[40].

Les campements assignés par la Notitia aux Gentiles, quoique d’une époque un peu postérieure au Ier siècle, suffisent à nous révéler le but que s’étaient proposé les empereurs en recourant à ces nouvelles garnisons[41]. Nous les retrouvons dans les Gaules, plus menacées qu’aucune autre province et où il fallait des troupes permanentes, plus nombreuses que partout ailleurs, avec un mode de recrutement plus facile, mieux assuré. On y compte jusqu’à dix corps de Gentiles dont quelques-uns placés sous le commandement du même préfet que les Læti ; tels que les Gentiles Suevi de Coutances dans la Deuxième Lyonnaise, c’est-à-dire dans la Normandie actuelle. Les autres se trouvaient cantonnés au Mans, dans la Troisième Lyonnaise, à Senlis, dans la Deuxième Belgique, en Auvergne, à Poitiers, dans les environs de Paris, entre Reims et Amiens, dans le Forez et le Velay, enfin à Autun. Il devait même y avoir encore d’autres corps de Gentiles dans les Gaules, car le texte de la Notitia est singulièrement altéré en cet endroit ; il y a plusieurs lacunes évidentes. Ces Gentiles, campés dans les Gaules, étaient des Suèves, des Sarmates proprement dits et des Taïfales. Les Suèves étaient venus, comme nous l’avons déjà remarqué, des bords du Danube, de l’ancienne Dacie de Trajan, et appartenaient, quoique Germains d’origine aussi bien que les Suèves d’ Arioviste, au groupe des peuples scythiques. Les Taïfales, les plus sauvages et les plus barbares des Sarmates, dont le nom seul inspirait la terreur, et en qui on a cru reconnaître les ancêtres des Westphaliens, avaient aussi habité la Transylvanie et la Moldavie actuelles ; ils avaient leurs campements aux environs de Poitiers ; leur séjour dans cette contrée est confirmé par un témoignage conservé jusqu’à nos jours ; la petite ville de Tiffauges en Vendée devrait son origine et son nom aux Taïfales[42].

Les autres cantonnements des Gentile : étaient échelonnés dans toute l’Italie divisée en Italie inférieure, inferior, moyenne ou intérieure, media seu mediterranea, et en Italie supérieure, superior. L’Italie inférieure ou maritime, désignée simplement dans la Notitia sous la rubrique provineia Italia, à cause d’une lacune dans le texte, comprenait deux garnisons de Sarmates Gentiles ; celle d’Apulie et de Calabre, sur le versant de l’Adriatique ; celle du Brutium et de la Lucanie, à l’extrémité méridionale de la péninsule. L’Italie centrale, désignée dans la Notifia sous le titre de provincia Italia mediterranea, comprenait également deux garnisons de Sarmates Gentiles dont les noms sont perdus pour nous et que Böcking, par une rectification assez vraisemblable, restitue de la manière suivante : une préfecture de Toscane et d’Ombrie (præfectus Sarmatarum Gentilium Tuscicæ et Umbricæ) ; une préfecture de Flaminie et du Picenum (præfectus Sarmatarum Gentilium Flaminiæ et Piceni) ; ces deux provinces en effet se trouvent placées dans l’Italie centrale[43]. Enfin l’Italie supérieure ou septentrionale, provincia Italia superior, comprenait treize préfectures des Sarmates Gentiles réparties entre les différentes villes ou provinces du nord, dans le Piémont, la Lombardie, la Vénétie et les Romagnes actuelles. Les principales résidences de ces préfets étaient Opitergium, près de Trévise, Padoue, Vérone, Crémone, Turin, Tortone, Novare, Verceil, Bologne, Marengo, Ivrée, Pollentia, sans compter les deux préfectures oubliées par la négligence des copistes et qui devaient se trouver au début de cette énumération ; Böcking, par une conjecture assez plausible mais dont rien ne démontre l’évidence, restitue ainsi cette partie du texte : 1° Præfectus Sarmatarum Gentilium Parentii in Histria ; 2° Præfectus Sarmatarum Gentilium Venetiæ Altini[44].

Les préfectures des Gentiles, plus nombreuses que celles des Læti, puisque, d’après la Notitia, on en compte au moins le double, se trouvaient ainsi toutes réparties entre la Gaule et l’Italie, tandis que les Læti étaient cantonnés exclusivement dans les Gaules. Il y avait eu sans doute plusieurs établissements antérieurs de Barbares en Italie, mais toujours à titre de colons Dedititii : on craignait, non sans raison, de les admettre dans des conditions trop favorables et en armes si près du centre de la domination romaine. Plus tard, au IVe siècle, après la division de l’Empire et le déplacement de la capitale, l’Italie cessa d’être distinguée des autres provinces ; menacée par les invasions germaniques, malgré la barrière des Alpes, qui ne la protégeait pas mieux que le Rhin n’avait protégé la Gaule, elle dut recourir aux mêmes moyens de défense et tirer des Barbares eux-mêmes son meilleur appui. Les Sarmates, plus voisins de l’Italie, furent cantonnés dans cette contrée, comme les Francs et les Bataves l’avaient été dans les Gaules plus rapprochées de leurs demeures primitives. Nous ne pouvons douter que l’institution des Gentiles n’ait été postérieure à celle des Læti : le seul fait de leur établissement en Italie le confirme.

Bien que la Notitia ne signale aucune de leurs garnisons en dehors de l’Italie et des Gaules, nous avons la preuve qu’ils résidèrent encore dans d’autres provinces de l’Empire et notamment en Afrique. Deux lois du Code Théodosien, relatives aux Gentiles et que nous avons déjà citées, sont adressées par les empereurs, l’une au proconsul et l’autre au vicaire de l’Afrique[45]. Ce qui prouve qu’il s’agit des mêmes Gentiles c’est qu’on parle des Præfecti placés à leurs tête et des terres limitrophes qui leur étaient concédées comme aux vétérans, Moyennant les charges attachées à la milice des frontières. Il est vrai que ces deux lois sont des premières années du Ve siècle (405-409) tandis que la Notitia, telle que nous la possédons, est un document officiel postérieur. Sans doute les préfectures des Gentiles d’Afrique avaient été supprimées à la suite des nombreuses révoltes dont cette province avait été le théâtre pendant la fin du IVe et le commencement du  Ve siècle, révoltes auxquelles les colons barbares avaient peut-être participé, et on les avait remplacées par d’autres préfectures, telles que celles des Gaules.

Il est certain qu’aucun établissement de ce genre n’existait dans l’empire d’Orient, où le système des colonies militaires s’est maintenu après la chute de l’empire d’Occident et existe encore de nos jours sur les bords du Danube et de la mer Noire[46]. L’institution qui offre le plus d’analogie avec celle des Gentiles était celle des Bucellarii, en Galatie, chargés de la défense du pays et gratifiés de fiefs militaires pour prix de leurs services[47]. Les Bucellarii étaient d’origine celtique, et nous les retrouvons plus tard chez les Wisigoths d’Espagne, dans une condition voisine du colonat[48]. D’autres Bucellarii formaient, vers la fin du IVe siècle, un corps de cavalerie (vexillatio) et servaient dans les troupes appelées comitatenses, d’un rang supérieur aux soldats des frontières (milites limitanei)[49]. A partir de la fin du Ve siècle, les Sarmates Gentiles disparaissent complètement ; nous ne les trouvons plus comme les Læti se fondant avec les vainqueurs de même race qu’eux, à qui ils avaient montré le chemin de l’Empire ; ils perdent toute autonomie, deviennent les sujets ou les esclaves des peuples germaniques et ne conservent aucun des caractères propres à leur nationalité[50]. Les Romains, du reste, qui se connaissaient en hommes, ne les avaient jamais eus en même estime que les Germains : l’empereur Julien, traversant la Palestine, pour gagner l’Égypte, exprimait son mépris à l’égard des Juifs en les comparant aux Sarmates, tandis que pour se faire obéir, il avait coutume de dire : Écoutez-moi, les Allemans et les Francs m’ont bien écouté[51].

Il ne faut pas confondre ces Gentiles, colons militaires, avec ceux qui servaient dans les troupes palatines (palatini), sous les ordres du maître des offices (magister officiorum), sorte de ministre d’État et de la maison de l’empereur, dans les attributions duquel rentraient tous les services du palais, la garde impériale (protectores domestici) les arsenaux (fabricæ), les postes (cursus publicus), la police (curiosi) et la diplomatie (interpretes diversarum gentium)[52]. Deux corps de Gentiles, désignés sous le nom de Schola Gentilium Seniorum et de Schola Gentilium Juniorum, figuraient dans les cadres de la milice palatine à côté des Scutarii, des Armaturæ, des Agentes in rebus, sorte de missi dominici, délégués en inspection dans les provinces avec des fonctions diverses[53]. Ces Scholæ, plus particulièrement attachées à la personne du prince et ainsi désignées à cause de leurs quartiers voisins du palais, avaient un effectif d’au moins trois mille cinq cents hommes, supérieur à celui de la légion, et recevaient encore, comme les protectores domestici, une solde plus forte que le reste de l’armée[54]. Ils avaient à leur tête, non un præfectus, ainsi que les Læti et les Gentiles Sarmatæ, mais un tribunus, appelé aussi quelquefois rector[55]. Leur nom se trouve souvent joint à celui des Scutarii, dont ils étaient rarement séparés et avec qui ils marchaient de pair, de même que les cohortes auxiliaires des Bataves et des Hérules. Ils se recrutaient parmi les différentes nations barbares, aussi bien parmi les Germains et les Francs que parmi les Scythes et les Goths ; généralement ils appartenaient à la classe supérieure de leur nation et formaient un corps d’élite composé des plus beaux hommes[56]. C’étaient des corps de cavalerie, tandis que les Sarmates, commandés par des præfecti et placés sous la direction du magister militum præsentalis a peditum parte, fournissaient de l’infanterie. Ils jouissaient de tous les privilèges attachés à la milice palatine, et leur condition, très supérieure à celle des Læti, n’était pas différente de celle des Fœderati. Leur dévouement était apprécié des empereurs, qui avaient toujours aimé à s’entourer d’étrangers. Toutefois ce n’était pas chose facile que de maintenir la discipline parmi ces corps privilégiés où l’esprit d’insubordination se développait au milieu du luxe et de la corruption de la cour ; les flatteries mêmes dont ils étaient l’objet leur donnaient une singulière arrogance, et, se voyant les véritables maîtres de l’Empire, ils faisaient payer chèrement leurs services[57].

Nous avons eu en France, pendant plusieurs siècles, une garde étrangère tout à fait analogue aux Gentiles du IVe siècle et qui peut donner une idée exacte de la condition de ces Barbares. Les Suisses, enrôlés sous nos drapeaux, mêlés aux principaux événements de notre histoire, formaient la garde royale, jouissant, eux aussi, de certains privilèges, continuant à être régis par les lois de leur pays ;  ils n’ont été supprimés qu’à la révolution de 1830.

C’est ainsi que, malgré la diversité des époques, des contrées et des civilisations, on retrouve partout des institutions semblables créées par des situations analogues.

 

 

[38] Böcking, De Gentilibus, p. 1090.

[39] Cassiodore, Var., V, 14.

[40] Böcking, De Gentilibus, p. 1089.

[41] Böcking, De Gentilibus, II, p. 119-122.

[42] Böcking, II, p. 119-122. — Ibid., p. 1139.

[43] Böcking, Not. Imp. Occid., p. 1118.

[44] Böcking, Not. Imp. Occid., p. 1118.

TABLEAU DES PRÉFECTURES DES GENTILES

Not. imp. Occid., p. 119-122.

Præfecti Gentilium.

In Gallis :

1. .....Præfectus Gentilium Suevorum Baiocas et Constantine Lugdunensis Secundæ.

2. Præfectus... Gentilium Suevorum... Cenomannos Lugdunensis Tertiæ....        

3. Præfectus... Gentilium... Remos et Silvanectas Belgicæ Secundæ.....        

4. Præfectus... Gentilium Suevorum Arvernos Aquitanicæ Primæ ;

Item in Provincia Italia :

1. Præfectus Sarmatarum Gentilium Apuliæ et Calabriæ,

2. Præfectus Sarmatarum Gentilium per Brutios et Lucaniam ;

Item in Provincia Italia Mediterranea :

1. . . . . . . . . . . . . . . .

2. . . . . . . . . . . . . . . .

Item in Provincia Italia Superiore :

1. Præfectus Sarmatarum Gentilium Foro Fulviensi,

2. Præfectus Sarmatarum Gentilium Opitergii,

3. Præfectus Sarmatarum Gentilium Patavi,

4. Præfectus Sarmatarum Gentilium Veronæ,

5. Præfectus Sarmatarum Gentilium Cremonæ,

6. Præfectus Sarmatarum Gentilium Taurinis,

7, Præfectus Sarmatarum Gentilium Aquis sive Tertonæ,

8. Præfectus Sarmatarum Gentilium Novariæ,

9. Præfectus Sarmatarum Gentilium Vercellis,

10. Præfectus Sarmatarum Gentilium Regionis Sanensis,

11. Præfectus Sarmatarum Gentilium Bononie in Æmilia.

12. Præfectus Sarmatarum Gentilium Quadratis et Eporizio,

13. Praefectus Sarmatarum Gentilium in Liguria Pollentia.

14. Præfectus Sarmatarum Gentilium et Taifalorum Gentilium Pictavis in Gallia,

15. Præfectus Sarmatarum a Chora Parisios usque,

16. Præfectus Sarmatarum Gentilium inter Remos et Ambianos Provinciæ Belgicæ Secundæ,

17. Præfectus Sarmatarum Gentilium per tractum Rodunensem et Alaunorum,

18. Præfectus Sarmatarum Gentilium Lingonas,

19. Præfectus Sarmatarum Gentilium Au.....

[45] Cod. Théod., VII, tit. 15, De terris limitaneis, loi 1. — Ibid., XI, tit. 30, De appellationibus, loi 62.

[46] Voir le chapitre V : Les terres létiques et les colonies militaires modernes.

[47] Böcking, Not. Imp. Orient., p. 208. — Du Cange, Lexic. græc. Il est curieux de rapprocher cette institution des Bucellarii, milice locale, de la milice des Timariotes, dont nous avons déjà parlé, dans la Turquie d’Europe et principalement dans l’Asie mineure.

[48] Böcking, II, p. 1045. Lex Wisig., V, 3, c. 1.

[49] Böcking, Not. Imp. Orient., p. 26. — Cf. Zosime, lib. V, c. XIII.

[50] Böcking, De Gentilibus, p. 1093.

[51] Ammien, lib. XV, c. V.

[52] Böcking, Not. Imp. Orient., p. 38-39. — Ibid., Not. Imp. Occid., p. 42-44. — Priscus, Excerpt. legat., c. V, éd. Bonn., p. 149. — Lydus, De Magist., lib. II, c. X. — Ammien, Index II, c. III. Magister officiorum.

[53] Böcking, Not. Imp. Orient., p. 38, p. 235. — Ibid., Not. Imp. Occid., p. 42, p. 396. — Procope, De Bello Goth., IV, 27.

[54] Suidas, Σχολάριοι. — Corippe, De laudibus Justini minoris, III, v. 157 et suiv.

[55] Ammien, lib. XV, c. V.

[56] Ammien, lib. XVIII, c. IX.

[57] Cassiodore, loc. cit. (formula magisteriæ dignitatis).

 

 

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 20:11

C’est en juillet 511, que s’ouvre le concile d’Orléans. Cette réunion a été organisée par Clovis qui décedera quatre mois plus tard. Le roi des Francs interpelle l’assemblée des évêques de Gaule sur plusieurs sujets précis touchant à l’organisation de l’Église. À chacune de ces interrogations, une réponse claire devra être apportée.


Le concile se tient à Orléans ville symboliquement choisie parce que située au centre du royaume. Cyprien de Bordeaux, représentant l’Aquitaine récemment conquises aux dépends des Wisigoths (507), préside l’assemblée où sont présents les délégués de la plupart des régions du territoire franc. Un évêque venu d’Armorique témoigne de l’alliance entre les Francs que le peuple breton. À cause de troubles dans leur région, certains évêques de Gascogne sont absents ainsi que ceux de Gaule belgique et de Germanie du fait du manque de pénétration de l'Église catholique romaine dans ces régions. Parmi les trente-deux participants, la majorité est originaire de la région comprise entre Seine et Loire, première conquête de Clovis avant d’avoir lancé ses troupes vers les riches terres du Sud.0158.png

Le concile d’Orléans s’inscrit dans une tradition bicentenaire des conciles des Gaules. À ce titre, il n’hésite pas à s’inspirer des anciens canons, dont la lecture est faite à l’ouverture des débats, et de la loi romaine, chère aux évêques.


Dans le premier canon, il est déclaré que toute personne poursuivie, quelle que soit la raison de la poursuite (meurtre, vol ou autre), qui se réfugie dans une église ou ses dépendances, ou dans la maison de l’évêque, bénéficie du droit d'asile. On ne peut l’obliger à en sortir, il peut négocier un dédommagement pour l’acte dont il s’est rendu coupable avec sa victime ou la famille de la victime. L’esclave en fuite ne sera rendu à son maître que si celui-ci jure de ne pas le punir. De même, l’esclave ordonné diacre ou prêtre à l’insu de son maître est libéré d’office ; l’évêque doit cependant dédommager le maître.


L'un des objectifs majeurs de la réunion d’Orléans est l’intégration des évêchés méridionaux. Dans le but avoué de se démarquer des hérétiques, les catholiques d’Aquitaine et des anciennes provinces Wisigothes ont adopté des positions spécifiques face à la domination aryenne qu’ils subissaient. Divers interdits ont été validés par le concile d’Agde, tenu en 506, car la cohabitation, principalement urbaine, entre les deux communautés favorisait la confusion. Par exemple, la participation aux banquets Goths a été proscrite tandis que les assemblées aryennes ont été désignées comme des « conciliabules ». La prière n’aurait su non plus être commune.

Le concile d’Orléans reprend à son compte cette plus grande rigueur qui n’est alors pas de mise au nord de la Loire, là où les catholiques sont majoritaires. Cependant la victoire de Clovis sur le monde Wisigoths a modifié les rapports entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Désormais, dans les provinces du Sud, le pouvoir politique est en phase avec l’orthodoxie religieuse. Par réaction, Orléans tend une main prudente aux repentants qui sont admis dans le giron de l’Église, après deux années de catéchuménat et à condition qu’ils expriment publiquement leur foi en la Trinité.


Finalement, le concile de 511 s’avère donc un concile d’union qui servira ultérieurement d’exemple lors de l’amalgame de nouveaux territoires au royaume de France.


L’assemblée d’Orléans doit trouver une solution d’articulation entre les pouvoirs religieux et politique. Les modalités de son organisation sont significatives. Si c’est bien Clovis qui a convoqué les évêques et les questionne, les réponses que ceux-ci apportent relèvent de leur seule décision. Ce n’est que pour leur conférer l’autorité royale que le souverain les entérinera. Une double administration du royaume se profile où les évêques collaborera avec les comtes, administrateurs désignés par le pouvoir.

Au-delà de leur rôle théologique, une fonction sociale est également attribuée aux évêques. Un tiers de leur revenu est destiné à l’entretien des pauvres, des orphelins, des veuves et des malades.


Si la nomination des prélats est du ressort du roi, leur ordination doit impérativement être entérinée par trois évêques locaux, après que tous les évêques ont été avertis par courrier, conformément au concile de Riez, qui s’est tenue en 439. En outre aucun laïc ne peut être élevé à la dignité d’évêques. Seule concession, qui rejoint la préoccupation de Clovis de s’entourer de conseillers de valeur, le roi pourra exceptionnellement désigner un laïc de renom, par ordre spécial relayé par un compte.

 

En convoquant le concile d’Orléans, Clovis reprend à son compte les prescriptions que le pape Gelase a établi en 492, mettant face à face « deux puissances, par lesquelles le monde est régi, l’autorité sacrée des pontifes et le pouvoir royal ». Clovis se place donc que sous la tutelle spirituelle de Rome quant à son attitude à l’égard de l’Eglise catholique. C’est en ce sens qu’il envoie symboliquement au Saint-Siège une couronne votive qui sera désormais suspendue au-dessus du tombeau de Saint-Pierre au Vatican. Sur ce diadème d’or pur, sont accrochés à de petits anneaux neuf lettres ciselées qui forment en latin le nom du roi des Francs : C.L.O.D.V.V.E.U.M., à la façon des couronnes votives des Wisigoths.

 

Sources : Clovis et la naissance de la France,  Patrick Périn Éd. Denoël _ Clovis, le fondateur, Godefroid Kurth Éd. Tallandier

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7 octobre 2013 1 07 /10 /octobre /2013 16:40

Sous Dioclétien, les deux provinces romaines situées au sud de la Loire, l’Aquitaine et la Narbonnaise, sont subdivisées pour former le diocèse des Sept Provinces. Malgré cette unité administrative, la région demeure très contrastée : tandis que l’Aquitaine est tournée vers l’Atlantique, le Midi méditerranéen conserve l’héritage, au même titre que la vallée du Rhône, de la province de Narbonnaise. L’évolution de l’urbanisme des villes du sud de la Gaule diffère ainsi d’une province à l’autre.

 

Les enceintes réduites

 

Les fortifications des villes, considérées comme l’une des caractéristiques urbaines essentielles de l’Antiquité tardive, constituent une première différence morphologique. En Aquitaine, durant le Haut-Empire, les chef-lieux de cité étaient des villes ouvertes ; il faut attendre l’Antiquité tardive pour y observer la construction de nombreuses enceintes, le plus souvent caractérisées par des fondations en grand appareil de remploi, avec des élévations en opus mixtum, c’est-à-dire en petit appareil avec des arases de briques, comme dans les villes du nord de la Gaule. Si le phénomène fut le plus souvent interprété comme une réaction aux invasions germaniques de la fin du IIIème siècle, les études récentes, de Louis Maurin en particulier, ont toutefois démontré qu’il fallait distinguer deux groupes, seules les enceintes des grandes villes situées au nord de la Garonne - comme Saintes, Bordeaux ou Périgueux - ayant été érigé à la fin du IIIème ou au début du IVème siècle. Ces enceintes ne protègent qu’une partie de la ville, en laissant parfois de côté le centre civique.

La Narbonnaise, où la plupart des villes ont été fortifiées dès le haut empire, ne semble pas connaître la même vague de construction d’enceintes au IIIème et IVème siècle. Seules les villes nouvellement créées à la suite du démembrement des vastes cités, surtout dans les Alpes, reçoivent peut-être leurs enceintes au IVème siècle. Les autres villes continuent à vivre, tant bien que mal, dans leurs murailles du Haut-Empire.DSCN1426.JPG

 

La parure de la ville antérieure : entretien, abandon, récupération

 

La construction des enceintes tardives en Aquitaine a des conséquences importantes sur la topographie des villes ; les blocs utilisés dans leurs fondations proviennent en général de la récupération de monuments funéraires, mais également d’édifice public laissé à l’extérieur de la nouvelle enceinte est transformé en carrière. Presque tous les monuments de spectacles disparaissent, même si certains comme à Bordeaux ou Saintes, échappe à un pillage systématique. Des monuments privés de leurs fonctions primitives peuvent être intégrés à la fortification, comme en témoigne la transformation de l’amphithéâtre de Périgueux. Les anciens bâtiments administratifs (forum, Curie) sont souvent laissés en dehors de l’enceinte est démantelée. À quelques exceptions près, les termes ne sont plus entretenus.

En Narbonnaise, l’absence de construction d’enceintes, au IIIème siècle, dans les grandes colonies du haut empire leur évite des modifications urbaines importantes au IVème siècle. L’état de conservation actuelle de monuments de spectacles comme les amphithéâtres d’Arles et de Nîmes ou le théâtre d’Orange, de même que celui de temples comme le temple de Livie à Vienne ou la Maison carrée à Nîmes suppose qu’ils ont bénéficié d’un entretien continu, sans que l’on puisse attribuer pour autant leur maintien à une réutilisation comme église chrétienne.

 

Les habitations

 

En Aquitaine, les nouvelles enceintes semblent le plus souvent suffisamment grandes pour abriter toute la population. Si les habitations urbaines sont mal connues, l’impression que l’on en garde et celle d’un déclin de la maison classique à péristyle, typique des quartiers périphériques abandonnés au IVème siècle. Les traces de reconstruction ou simplement d’entretiens sont rares, et même en arbre d’aise, à l’intérieur des enceintes du haut empire, certains quartiers paraissent abandonnés et retournent à l’état de friche. Mais cela n’empêche pas le maintien de zones d’habitat ou d’artisanat, même à la périphérie de la ville.

 

La christianisation des villes, un début très timide

 

Bien que le christianisme soit attesté dès le IIème siècle dans la vallée du Rhône, et malgré son développement sans doute rapide en Aquitaine, comme en témoignent dès 314 la liste des souscriptions au concile d’Arles, l’implantation matérielle des bâtiments chrétiens semble tardive. Quoi qu’il en soit, rares sont les traces d’une cathédrale avant la fin du IVème siècle, lorsque Théodorose Ier proclame le christianisme religion d’État (392). Les résultats des fouilles d’église, de plus en plus nombreuses, laissent à penser qu’il ne s’agit pas d’un hasard, mais plutôt d’un choix délibéré des communautés. Au IVe siècle, c’est donc dans les nécropoles qu’il faut chercher les traces de la nouvelle foi, exprimé le plus souvent par des inscriptions et plus rarement par des sarcophages à décor biblique, dont Arles fournit le meilleur exemple.

 

Périgueux : les mutations urbaines d’une ville antique

 

Située dans un méandre de l’Isle, Vesunna fondée par Auguste lors de la création de la province d’Aquitaine afin d’établir une nouvelle capitale, construite more romano, pour les Petrucores. Elle reçoit au cours des deux premiers siècles de notre ère,  une parure monumentale romaine adaptée à sa topographie : le réseau visière dessert le forum, cœur de la ville progressivement agrandi et embelli, ainsi que de riches maisons décorées, tandis qu’au nord s’élève à un amphithéâtre bordé de carrière d’extraction de calcaire.

Ce dernier bâtiment a laissé une trace profonde dans le parcellaire pétrocorien : son intégration au système défensif de la ville, durant l’Antiquité tardive, pourrait en être la0156.jpg cause. Le comte de Taillefer, archéologue érudit du début du XIXème siècle, a en effet observé, lors d’un sondage, les fondations d’une tour de rempart devant le vomitorium nord ;toutefois, il avait également noté la présence de blocs de grand appareil provenant des gradins de l’amphithéâtre est employée dans les fondations du rempart tardo-antique.Taillefer a alors élaboré une hypothèse plus que vraisemblable. Cet édifice, désaffectée dès le IIIème siècle, a probablement été détourné pour deux usages, sort commun à de nombreux édifices publics romains tels ceux de Lutèce : remploi des blocs pour de nouvelles constructions et intégration du ou des étages les mieux conservés dans une trame urbaine complètement redessinée.

La Vesunna du IVème siècle n’a qu’un faible rapport avec celle du IIème siècle. La ville, dont le centre se déplaçait vers le nord, s’est considérablement réduite, passant de 35 à 5,5 hectares. Elle est fermée par un rempart constitué de vingt-quatre tours et d’au moins trois portes à une baie cintrée : cette structure défensive nouvelle, bâties avec des blocs issus des monuments du Haut-Empire, s’appuie sur des maisons de la même époque, impliquant une profonde modification urbaine menée en moins d’un siècle. Les rues sont déplacées pour desservir les portes d’accès aux remparts, à partir desquels sont accessibles l’ancienne nécropole du Haut-Empire, toujours en activité à cette époque, et la nouvelle nécropole, inaugurée au IVème siècle.

Étudié depuis le début du XIXème siècle, l’antique Périgueux, dénommé Vesunna par les Romains, présente ainsi, de même que de nombreux autres sites archéologiques d’importance équivalente, les caractéristiques des mutations urbaines antiques.

 

Source : Et Lutèce devint Paris... éd. PARIS musées

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