_ "Occupe toi de dispacher le marchandising, moi je suis over-booké !"
Oh la belle phrase que voilà ! Ce n'est ni du français ni de l'anglais, c'est du crétin, une sous-langue de plus en plus répandue au sein des grandes sociétés multinationales, et pratiquée par des lobotomisés de tous âges, persuadés de faire partie de l'élite (l'élite de quoi ? Mystère !)
Deuxième mystère : pourquoi tant de français s'escriment-ils à massacrer une langue d'une telle richesse, d'une telle précision, d'une telle sensibilité, la leur, le Français ? Ethno-masochisme ?
C'est difficile à comprendre, c'est vraiment mystérieux...
Le mot mystère vient de mustêrion, qui désignait en Grèce, dans l'Antiquité, une cérémonie religieuse[1] secrète, à laquelle on ne pouvait assister et participer qui si l'on avait reçu une invitation permettant d'en comprendre le sens profond et caché. Les mustêria (pluriel de mustêrion) les plus célèbres étaient ceux qui étaient célébrés à Éleusis, près d'Athènes, dans le temple dédié à Déméter, la grande déesse de la Fertilité et de l'Agriculture.
Le prêtre chargé d'initié aux mustêria, aux mystères sacrés, était appelé un mustagôgos, un "mystagogue". Et lorsqu'on était "initié", on devenait un mustês, et on ne devait révéler à personne ce qu'on avait appris. Tous ces mots, mustêria, mustagôgos et mustês, ont une origine commune : le verbe grec muein, signifiant "se fermer". En effet, les mystères de la Grèce antique étaient des cultes fermés, interdits aux non-initiés.
La langue latine a emprunté au grec son mustêrion et en a fait un mysterium, mot qui, en passant du latin à l'ancien français, est devenu un mystère. Au XIIIè siècle, on appelait mystère ce qui, dans la religion chrétienne, avait un sens secret, caché, et qui n'était connu que de Dieu. Ce n'est qu'à partir de la fin du XVè siècle que le mot mystère a commencé à être employé en dehors du domaine religieux, pour désigner, d'abord, une chose, un phénomène que la raison humaine ne peut pas expliquer, puis, à partir du XVIIè siècle, plus généralement, une "chose cachée, secrète" ou " quelque chose d'incompréhensible, d'obscur".
Au XVIIIè siècle, une des distraction à la mode, dans les salons parisiens, consistait à trouver une personne naïve et crédule, et à lui faire croire quelque chose d'invraisemblable, ou bien à l'inviter à une fausse et burlesque cérémonie d'initiation, pour, dans tous les cas, rire à ses dépens. Ainsi est né le verbe mystifier, créé, par plaisanterie, avec le sens d' "initier quelqu'un aux (faux) mystères", c'est à dire "tromper", "abuser de la crédulité" d'une personne pour s'amuser.
Dans la famille du mystère, il y a aussi l'adjectif mystique, issu du grec mustikos, "relatif aux mystères", et qui est synonyme de "religieux" : un élan mystique est un élan vers le mystère divin, une quête de Dieu. Enfin, et c'est plus surprenant, le mot myope appartient aussi à cette famille : il vient du grec muôps, adjectif formé à partir du verbe muein, "se fermer" et ôps, l' "œil, et signifiant "qui ferme à demi les yeux".
[1] Religions antiques (cliquez ici)
sittelle 11/02/2011 06:55
Lutece 14/02/2011 16:46