La langue des francs, le francique, était un dialecte germanique, peu différent des autres ; il y avait d’ailleurs un germanique commun, qui permettait aux différentes ethnies de communiquer entre elles. Plus précisément, le francique appartenait au groupe germanique occidental, appelé parfois teutonique, et qui comprenait deux sous-groupes : d’une part, celui des montagnes du sud, que parlaient les Thuringiens, les Gépides, les Lombards, les Alamans, les Hérules ; d’autre part, celui des plaines du Nord et de l’Ouest, parlé par les Angles, les Saxons, les Frisons, les Bataves, les Francs. Les montagnards parlaient le haut-allemand (hochdeutsch), les hommes des plaines le bas-allemand (niederdeutsch).
Les peuplades germaniques du nord, qui parlait le norrois ou scandinave, et celle de l’Est (Vandales, Jutes, Suèves, Ostrogoths, Wisigoths, Burgondes), qui parlaient le gothique, dans la mesure où elles restèrent au-delà du Rhin et des Alpes et acquirent la culture écrite en dehors de l’influence romaine, gardèrent leur langue propre ; ce qui permit les langues scandinaves, allemande, néerlandaise, anglaise. Celles, au contraire, qui furent intégrées administrativement, puis culturellement, à l’empire Romain, qui leur apportait une grammaire, un code de droit, une littérature, et bientôt une théologie, abandonnèrent le germanique pour le latin. Ainsi pour les Francs : tandis que leurs voisins du Nord et de l’Est (Saxons, Thuringiens, Suèves, Alamans, Bavarois) gardaient leurs dialectes germaniques, ils furent totalement latinisés.
Ce qui n’empêcha pas assez barbares latinisés, et avec eux toute la population d’origine gauloise, de garder un certain nombre de mon germanique qui passèrent dans la langue française. Ce furent surtout des noms ayant rapport à la guerre et à l’équitation : guerre (warra), reître, héraut, hobereau, heaume, haubert, guêtre, botte, hache, harpon, croc, trompette, brandir, gagner, trêve, rosse, haras (et haridelle), trot (et trotter), galop (et galoper) ; mais aussi des noms d’animaux et de plantes : héron, hareng, hanneton, hêtre, houblon, houx, gland, gerbe, grappe ; et des noms de couleurs : bleu, blanc, gris ; et puis beaucoup d’autres d’usage courant : bourg, banc, bloc, bande, bâtir…
Les conquêtes et la conversion de Clovis décidèrent les Francs à adopter le latin. Les conquêtes, car la petite tribu des Saliens, qui tenaient à l’origine sur un petit territoire autour de Tournai, occupa bientôt la Gaule, une contrée incomparablement plus vaste et plus peuplée.
La population salienne de dépassait pas cent mille habitants ; la truste de Clovis, qui constituait son aristocratie guerrière, avec laquelle il imposa sa royauté à la Gaule, comptait trois mille hommes. Les Gaulois, constitués par 305 que tribu, formaient un peuple de quarante à cinquante millions d’habitants.
Alors que son peuple était fortement minoritaire, Clovis, afin de ne former qu’une seule nation proclama l’égalité entre citoyens Gallo-romains et Francs. Ils avaient les mêmes droits civiques et économiques ; avec cette différence que, provisoirement, les francs restaient soumis au droit coutumier barbare et les gaulois au droit Romain écrit. À ce compte, il était impossible d’imposer le francique aux habitants de la Gaule ; ce furent donc que les francs qui apprirent le latin, qui étudièrent la grammaire latine, qui s’initièrent au droit Romain, qui découvrirent la littérature latine. Il faut cependant marquer une exception pour l’Austrasie ; si Reims et les autres cités du Sud restèrent latines, tout ce qui peuplait le territoire à l’est de la Moselle resta fort germanisé. Certes, Cologne, Trèves, Mayence, et dans une certaine mesure Spire et Worms, gardèrent administrativement le latin ; mais la population autour conserva un parler germanique, à cause de l’imprégnation plus profonde par les francs et leurs familles.
La conversion de Clovis au catholicisme fut elle-même décisive pour l’adoption de la langue latine. Les évêques et les clercs à parler latin, la liturgie avait lieu en latin, l’Ecriture Sainte et les Pères étaient rédigés en latin. Cette langue devenait la langue unitaire pour les Gallo-romains enracinés dans le christianisme et les Francs nouvellement baptisés.
Guyraölte 18/06/2013 16:55